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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/279

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AU PAYS DES PARDONS

parmi les êtres visibles et palpables, agenouillés là sur les dalles, rôde tout un peuple d’ombres évadé des cimetières. Une haleine froide qui vous fait frissonner, une odeur souterraine dont l’atmosphère s’imprègne tout à coup : autant de signes révélateurs de l’approche des défunts, de la mystérieuse venue des Anaon. J’entends dire, sous le porche, à une fermière de Plogonnec qu’à la dernière Troménie, comme elle était en oraison, elle se sentit chatouiller la nuque par des doigts glacés. S’étant retournée, elle faillit se pâmer de stupeur en se trouvant face à face avec son mari qu’elle avait enterré l’année d’avant et pour qui justement elle récitait le De profundis. « J’allais lui parler, mais il lut sans doute mon intention dans mes yeux, car aussitôt il s’éclipsa… »

C’est du haut des degrés qui conduisent au portail qu’il faut jouir du spectacle de la grand’messe. Par les vantaux ouverts, le regard plonge à travers la nef jusqu’au fond de l’abside qui, derrière cette forêt de piliers aux fûts énormes, luit, inondée de soleil, comme une clairière éblouissante. Les hommes sont groupés aux premiers rangs : un