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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/296

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SAINTE-ANNE DE LA PALUDE

le grand pays mélancolique — inconnu pour moi — que nous traversions et dont les moindres détails devaient lui être familiers. Mais je devinai tout de suite en elle une de ces petites sauvagesses de la côte bretonne pour qui tout homme habillé en bourgeois, parlât-il leur langue, est un étranger, un être suspect. Je n’eus garde de la troubler dans son oraison.

Ce fut un singulier voyage, ce que les Bretons appellent « un voyage de Purgatoire » à cause, sans doute, de l’aspect fantômal que prennent les lointains sous les ciels bas et troubles, noyés d’eau.

Nous gravîmes d’abord une série de paliers, dans une contrée nue, hérissée seulement çà et là de pins sombres au feuillage couleur de suie, derniers survivants d’une forêt décimée. À droite, à gauche, s’arrondissaient des dos de collines pareils à des tombes immenses des âges préhistoriques. J’ai su depuis les noms de ces cairns étranges. Presque tous sont connus sous des vocables de saints ; des chapelles se dressent à leur sommet où s’accrochent à leurs flancs, petits oratoires déserts et caducs où trône quelque vieille