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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/295

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AU PAYS DES PARDONS

corps comme d’un burnous. Ni à l’aller ni au retour je ne pus lui arracher une parole. À chacune de mes questions il se contentait de répondre par un grognement. S’il ne parlait pas, en revanche il sifflait. Tant que dura le trajet, il siffla sans désemparer, et toujours le même air, quelque chanson de pâtre d’une désespérante monotonie. Je crois l’entendre encore. Pour compagne de voiture j’avais une petite Crozonnaise qui revenait de Lourdes et que nous devions débarquer dans les parages du Ménez-Hom. Elle s’obstinait, elle aussi, dans un mutisme farouche, le visage dissimulé sous la cape d’un épais manteau de bure noire, et, dans les doigts, un chapelet à gros grains — un souvenir de là-bas — dont elle faisait glisser les dizaines d’un mouvement continu et furtif. La prière errait sans bruit sur ses lèvres minces. Ses paupières demeuraient opiniâtrement baissées, sans doute pour ne rien laisser fuir du monde de visions extatiques qu’elle rapportait de son pèlerinage. Son front étroit, d’un dessin très pur était fermé comme d’une barre. J’eusse souhaité avoir de sa bouche quelques renseignements sur