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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/30

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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

Yvonne. — De son métier, elle était cardeuse d’étoupes ; et, tout l’hiver, elle cardait. Je m’esquivais, souvent, à la tombée de la nuit, pour aller m’asseoir près d’elle dans l’âtre où elle travaillait, accroupie, à la lueur d’une chandelle de résine. Elle avait une prodigieuse mémoire, en dépit de ses soixante-dix ans, et elle savait des choses surprenantes que je n’ai jamais entendu dire qu’à elle. Elle les disait d’une voix lente, posée, toujours égale. On avait tant de plaisir à l’écouter qu’on ne prenait pas garde au grincement des peignes — si même il n’y avait pas dans cet accompagnement strident je ne sais quel charme de plus.

Sur la fin de la saison froide, dès que les pâles soleils de mars commençaient à luire, Mônik changeait d’occupations. Elle se faisait alors « pèlerine ». Des gens la venaient trouver, la priaient, moyennant un modique salaire, de se rendre à tel oratoire, à telle fontaine qu’ils désignaient, et d’y remplir leurs dévotions à leur place. À partir de ce moment, ses journées se passaient à trotter les chemins. Un matin, je la