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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/304

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SAINTE-ANNE DE LA PALUDE

ses longs cils grisonnants et, d’un ton de pitié.

« — Comme on voit bien que vous êtes de la ville !… Les gens de la ville sont des ignorants ; ils nous méprisent, nous autres, gens du dehors, parce que nous ne savons point lire dans leurs livres, mais, eux, que sauraient-ils de leur pays, si nous n’étions là pour les renseigner ?… Eh oui ! sainte Anne était Bretonne… Allez au château de Moëllien, on vous montrera la chambre qu’elle habitait, du temps qu’elle était reine de cette contrée. Car elle fut reine ; elle fut même duchesse, ce qui est un plus beau titre. On la bénissait dans les chaumières, à cause de sa bonté, de son infinie commisération pour les humbles et pour les malheureux. Son mari en revanche passait pour très dur. Il était jaloux de sa femme, ne voulait pas qu’elle eût d’enfants. Lorsqu’il découvrit qu’elle était grosse, il entra dans une grande colère et la chassa comme une mendiante, en pleine nuit, au cœur de l’hiver, à demi nue sous une pluie glacée.

« Errante et plaintive, elle marcha devant elle au hasard. Dans l’anse de Tréfentec, au bas de cette dune, une barque de lumière se balançait