Elle était si légère que quatre enfants suffirent à la monter jusqu’à la fontaine. Mais on ne put jamais la faire aller plus loin. Plus on s’efforçait de la soulever, plus elle devenait pesante. Les anciens dirent :
« — C’est un signe. Il faut lui bâtir ici sa maison. »
« Voilà, mon gentilhomme, la véridique histoire d’Anne de la Palude, en Plounévez-Porzay. La voilà, telle que je l’ai retenue de ma mère qui l’apprit de la sienne, à une époque où les familles se transmettaient pieusement de mémoire en mémoire les choses du passé. »
La bonne vieille, tout en contant, balayait, amassait la poussière par petits tas, la recueillait à mesure dans le creux de son tablier. Après m’avoir parlé de la sainte, elle m’entretint de sa vie, à elle, de sa longue et monotone vie, nue, vide, silencieuse, dépeuplée comme ce sanctuaire où elle achevait de s’écouler péniblement. C’était effrayant, c’était tragique, à force de simplicité. Une joie brève, çà et là, une de ces fleurettes éphémères dont s’étoile au printemps le gazon des dunes.