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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/310

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SAINTE-ANNE DE LA PALUDE

Quant au reste, des deuils, des glas, et, dominant tout, le bruit de mâchoires que fait dans les galets la mer broyant ses victimes.

« — Je n’ai plus de fils ; mes brus sont mortes ou remariées. Je m’assieds quelquefois aux foyers des autres, mais j’y suis mal à l’aise ; leur flamme ne réchauffe point. Des douaniers compatissants m’ont abandonné une des huttes basses où ils ont coutume de s’abriter, la nuit, lorsqu’ils sont de garde le long de cette côte. J’y couche sur un lit de varechs. Mais je ne me plais qu’ici. Tous les matins, je vais à la ferme prendre la clef. Je remplis les fonctions de sacristine : je sonne les trois angélus ; je reçois les pélerins et je leur fais les honneurs de la maison ; souvent ils me demandent de réciter pour eux des oraisons spéciales dont je suis à peu près seule à posséder le secret ; je les conduis à la source, je leur verse l’eau dans les manches ou sur la poitrine, suivant le genre de maladie dont ils sont atteints. Dès qu’ils se mettent en route pour venir trouver la sainte, j’en suis avertie par des signes particuliers et surnaturels. Tantôt c’est le bruit d’un pas invisible dans