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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/327

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AU PAYS DES PARDONS

à trop de choses. J’omis la plus importante. J’en suis bien puni. Depuis je ne sais combien de temps que je m’achemine vers sainte Anne, je n’avance chaque année que d’une longueur de cercueil. Et si vous sentiez comme cela pèse lourd, le cadavre d’un ami trompé En faisant dire pour moi la messe que je vous demande, vous abrégerez ma route d’un grand tiers. »[1]

Sur ces mots, il disparut. Tymeur et sa femme, agenouillés sous le porche, y restèrent en prière jusqu’au petit matin, se bouchant les oreilles pour n’entendre point ahanner le mort sous son faix d’ossements et de planches pourries.

Le vieux concluait :

« — On ne s’expose pas deux fois à de semblables rencontres. N’est-ce pas, Renée-Jeanne ? »

Renée-Jeanne avait ramené sur son visage sa cape de laine blanche bordée d’un large galon de velours noir, et tournait obstinément le dos à la mer. Elle était cependant délicieuse à voir, la

  1. M. Le Carguet, le folkloriste du Cap-Sizun, m’a communiqué une légende analogue a celle-ci et qui avait trait également au pardon de la Palude.