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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/337

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AU PAYS DES PARDONS

et calme, comme si rien ne s’était passé. On eut beau chercher le cadavre, on ne le retrouva jamais.

Depuis lors, la pauvre fille se rend chaque année au pardon de la Palude, et toujours par le chemin qu’ils suivaient ensemble si gaîment ce jour-là. Mais, parvenue au lieu du sinistre, ses forces défaillent. Elle a peur de s’entendre appeler par la voix de Kaour, et, d’autre part, elle tient à lui montrer qu’elle est restée obstinément fidèle à sa mémoire.

« — Je suis sa veuve », dit-elle, « puisque nos bans ont été publiés ; et, à l’île, c’est un sacrilège de se marier deux fois. »

Tout en causant de ces choses tristes, nous dévalons vers la grève de Tréfentec. Avant d’arriver aux premières dunes de Sainte-Anne, nous avons encore une étendue torride à traverser. La chaleur est accablante et j’ai très soif. L’îlienne aussi boirait volontiers. Soudain, elle avise une gabarre couchée dans les sables. Y courir, enjamber le plat-bord est pour elle l’affaire d’un instant, et la voici qui me hèle, debout, une bonbonne de