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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/344

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SAINTE-ANNE DE LA PALUDE


Le spectacle de ces femmes aux parures magnifiques, s’avançant de leur allure majestueuse, en ce cadre éblouissant, parmi le chant des litanies et le son voilé des tambours, est assurément une des plus belles choses qui se puissent voir et le souvenir qu’il vous laisse est de ceux qui ne s’effacent jamais. Vous diriez d’une fresque immense où se déroulerait, en une pompe d’une mysticité barbare, un chœur de prêtresses du vieil Océan.

Longtemps après on en reste hanté comme d’une hallucination des anciens âges… Mais voici qui nous ramène à l’éternelle et angoissante réalité.

Vieilles ou jeunes, sveltes ou courbées, les « veuves de la mer » débouchent du porche. L’œil se fatiguerait à les vouloir dénombrer : elles sont trop. Elles ont soufflé leurs cierges, pour marquer qu’ainsi s’est éteinte la vie des hommes qu’elles chérissaient. La physionomie, chez la plupart, est empreinte d’une placide résignation. Les plus affligées dissimulent leurs larmes sous la cape grise aux plis flasques et tombants.