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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/345

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AU PAYS DES PARDONS

Elles passent discrètes, les mains jointes, — immédiatement suivies par les « sauvés ».

Le rapprochement n’est point aussi ironique qu’il en a l’air. De ces « sauvés » d’aujourd’hui combien n’en pleurera-t-on pas au pardon prochain comme « perdus » ! Par un sentiment d’une touchante délicatesse, ils ont revêtu pour la circonstance les effets qu’ils portaient le jour du naufrage, au moment où la sainte leur vint en aide et conjura en leur faveur le péril des flots. Ils sont là dans leur harnais de travail, de lutte sans merci, le pantalon de toile retroussé sur le caleçon de laine, la vareuse de gros drap bleu usée, trouée, mangée par les embruns, maculée de taches de goudron, le ciré couleur de safran jeté en travers sur les épaules. Jadis, pour ajouter encore à l’illusion, ils poussaient le scrupule jusqu’à prendre un bain, tout habillés, au pied des dunes, et assistaient à la « procession des vœux », le corps ruisselant d’eau de mer.

Dans leurs rangs figure un équipage au complet. Le mousse marche en tête. À son cou pend une espèce d’écriteau à moitié pourri, la plaque de