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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

et je la vis qui, debout, interpellait le saint assez durement, en le secouant par l’épaule. À plusieurs reprises elle cria en breton :

« — Si le droit est pour eux, condamne-nous ! Si le droit est pour nous, condamne-les ; fais qu’ils sèchent sur pied et meurent dans le délai prescrit !… »[1]

Il y avait, dans l’accent et dans le geste, je ne sais quoi de sauvage et de troublant.

La vieille sortit du sanctuaire, les yeux allumés d’une flamme mauvaise, et en fit le tour à l’extérieur par trois fois. Le troisième tour accompli, elle s’agenouilla devant l’entrée. Quand elle se releva, elle avait son expression accoutumée, sa figure d’aïeule, d’une enfantine douceur, et dont les rides même semblaient sourire.

« — C’est fini, » me dit-elle. « Allons-nous-en bien vite ! »

Il fut délicieux, ce retour, dans la joie de la lumière du midi, par une belle journée de prin-

  1. La formule est invariablement la même, et l’on emploie toujours le pluriel, même lorsqu’il n’y a contestation que d’individu à individu, — ce qui était ici le cas, ainsi qu’on le verra plus loin.