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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/37

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AU PAYS DES PARDONS

d’âme où la peur l’emportait sur h dévotion et même sur la curiosité. Je n’étais pas sans savoir de quels attributs terribles cette image passait pour être douée. La cardeuse d’étoupes, durant les veillées d’hiver, par des allusions, des demi-confidences, m’en avait instruit un tant soit peu. Et je n’étais pas très rassuré de me trouver face à face avec cette tête glabre dont les yeux étaient d’une fixité déconcertante. Monik avait délacé son soulier gauche, celui du pied dont elle boitait, et, en ayant

retiré une de ces petites monnaies de bronze, encore fréquentes à cette époque dans le pays et qu’on appelait des pièces « de dix-huit deniers », elle l’alla poser délicatement dans un pli de l’aube du saint puis, troussant sa cotte et appuyant ses genoux nus au sol humide, elle entra en oraison.

Ce fut long, très long. Je m’étais assis dans l’herbe, en dehors de l’oratoire, l’esprit occupé à suivre des voiles qui descendaient la rivière, unie et verte comme un lac. Soudain, Monik se mit à parler tout haut, d’un ton âpre. Je me penchai,