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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/40

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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES


Ce que Môn, par scrupule professionnel, se refusait à m’apprendre, je l’ai su depuis.

Un patron de barque de Camarel, en Pleudaniel, avait eu maille à partir avec son unique matelot, à propos d’un règlement de comptes sur lequel ils ne s’étaient point trouvés d’accord. De là des paroles aigres et une mésintelligence qui alla croissant. On continua de pêcher ensemble, mais on passait souvent vingt et trente heures au large sans échanger un mot. Et les personnes entendues de dire :

« — Vous verrez que cela finira mal ! »

Une nuit, le matelot se présenta, l’air égaré, les vêtements ruisselants, au poste des douanes de Lézardrieux. Il raconta que la barque — qui était « mûre » — avait touché une roche, qu’elle avait coulé à pic, et que le patron, ne sachant pas nager, avait dû « trinquer » une fois pour toutes.

Il n’y avait dans ce récit rien d’invraisemblable. On n’inquiéta point le matelot. Les commères