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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/41

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AU PAYS DES PARDONS

de Camarel, cependant, ne laissaient pas de jaser ; excitée par elles, la veuve du noyé fit un esclandre public, dans le cimetière, à l’enterrement du cadavre retrouvé au bout du neuvième jour[1].

« — Oui ! oui ! s’écria-t-elle, au moment où le cercueil disparaissait dans la fosse, « — nous savons comment tu es mort !… Ils pleureront aussi, crois-moi, ceux que ta perte a réjouis en secret !… »

À partir de ce moment, la vie ne fut plus tenable pour le matelot. Il n’était point d’avanies qu’il n’eût à subir de la part de la veuve et de sa nombreuse parenté. En vain voulut-il se louer à un autre patron : partout il lui fut répondu, sur un ton de sanglante ironie, qu’on n’avait pas besoin à bord d’un homme qui « portait malheur ». Désespéré, sur le point de quitter le pays, il se rendit chez Monik, à la nuit close, pour n’être vu de personne.

« — Il faut qu’Yves le Véridique prononce

  1. C’est une croyance invétérée sur le littoral armoricain, — justifiée d’ailleurs, m’a-t-on dit, par de nombreux exemples, — que tous les neuf joursla mer pousse à la côte les cadavres de ceux qu’elle a engloutis dans l’intervalle.