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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/64

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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

Une oraison éparse, continue, monotone, rôdait à travers le silence, courait comme un vol de bourdon sur toutes les lèvres, peut-être même sur celles des évêques de pierre couchés, les mains jointes, sous le cintre bas des enfeux. Dans toute cette obscurité confuse et chuchotante, une seule chose lumineuse : le « tombeau », — sorte de catafalque blanc, vivement éclairé par une forêt de cires ardentes et où reposait, blanche aussi, de l’étincelante blancheur du marbre, l’image funéraire de saint Yves. Le long de la grille qui entoure le monument, c’était un perpétuel glissement de silhouettes fantômatiques, dans un bruit de prières et de chapelets égrenés. Soudain, une voix isolée, une voix d’homme, large et pleine, entonna, sur l’air d’une vieille complainte guerrière[1], un cantique en langue armoricaine composé par un prêtre de l’endroit :[2]

N’hen eus ket en Breiz, n’hen eus ket unan,
N’hen eus ket eur Zant evel sant Erwan…

  1. La gwerz de « Lézobré ».
  2. Le chanoine Le Pon.