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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/95

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AU PAYS DES PARDONS

Avec quatre-vingts gueux chez moi, comme aujourd’hui, roulés dans la litière de mes étables et dans le foin de mes greniers !… J’eusse donc été bête trois fois !

« Du reste, voici la chose, très simplement, comme elle s’est passée. Dix-huitième jour de mai, — la date où nous sommes. Toute la semaine il avait plu à verse, sans discontinuer. Les chemins, aux abords d’ici, n’étaient que fondrières : quant aux champs que traversent les sentiers de pèlerinage, l’herbe y nageait. Et, le matin, il pleuvait encore et, toute l’après-dînée, il plut, il plut à torrents. Ma ménagère — Dieu ait son âme ! car elle est morte depuis — se disposait cependant à apprêter le souper des pauvres dans le grand pot-de-fer, comme de coutume.

— « Oh ! » fis-je, « si tu m’en crois, tu ne mettras au feu que la petite marmite. Par ce temps-là nous n’aurons personne. »

« Je fus obéi. On ne mit au feu que la petite marmite, laquelle était à peine d’une capacité de vingt écuellées. À la tombée de la nuit, il avait paru trois hôtes, des gens du voisinage ; nous les