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Page:Le Ménestrel - 1896 - n°30.pdf/1

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3418. — 62me ANNÉE — No 30.
Dimanche 26 Juillet 1896
PARAIT TOUS LES DIMANCHES
(Les Bureaux, 2 bis, rue Vivienne)
Les manuscrits doivent être adressés franco au journal, et, publiés ou non, ils ne sont pas rendus aux auteurs.)

LE
MÉNESTREL

MUSIQUE ET THÉATRES
Henri HEUGEL, Directeur

Adresser franco à M. Henri HEUGEL, directeur du Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, les Manuscrits, Lettres et Bons-poste d’abonnement.
Un an, Texte seul : 10 francs, Paris et Province. — Texte et Musique de Chant, 20 fr. ; Texte et Musique de Piano, 20 fr., Paris et Province.
Abonnement complet d’un an, Texte, Musique de Chant et de Piano, 30 fr., Paris et Province. — Pour l’Étranger, les frais de poste en sus.
SOMMAIRE-TEXTE

i. La première salle Favart et l’Opéra-Comique, 4e partie (12e article), Arthur Pougin. – ii. À Bayreuth, Julien Tiersot. – iii. Les concours du Conservatoire, Arthur Pougin. – iv. Nouvelles diverses, concerts et nécrologie.

MUSIQUE DE CHANT

Nos abonnés à la musique de chant recevront, avec le numéro de ce jour :

SI JE SAVAIS

mélodie de Louis Diémer, poésie de Henri Becque. — Suivra immédiatement : Si vous étiez fleur, mélodie d’Depret, poésie de Jacques Normand.


MUSIQUE DE PIANO

Nous publierons dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique de piano : Bras dessus bras dessous, de Paul Wachs. — Suivra immédiatement : Un rêve, de Ch. Neustedt.

LA PREMIÈRE SALLE FAVART

et

L’OPÉRA-COMIQUE

1801-1838

QUATRIÈME PARTIE

(Suite)
ii
Un nouvel incendie, celui du Vaudeville, vient compliquer la situation. Trois théâtres se trouvent alors sans asile : le Théâtre-Italien, réfugié provisoirement à l’Odéon ; l’Opéra-Comique, provisoirement à la Bourse ; et le Vaudeville, provisoirement au boulevard Bonne-Nouvelle. — Ce dernier s’assure par un bail de la possession de la salle de la Bourse, occupée par l’Opéra-Comique, et l’on se demande ce que deviendra celui-ci. — Le ministère se décide enfin à mettre en adjudication les travaux de reconstruction de la salle Favart. Les Chambres votent une loi à cet effet, l’adjudication est prononcée au nom des directeurs de l’Opéra-Comique, et au bout de huit mois le théâtre est complètement réédifié. — Le 16 mai 1840 a lieu l’inauguration de la nouvelle salle Favart, avec le chef-d’œuvre de son répertoire, le Pré aux Clercs. — La crise est terminée, l’Opéra-Comique est chez lui !

La question restait donc entière, et tout était à recommencer. Un événement nouveau allait lui donner un dernier degré d’acuité et la compliquer d’une étrange façon. Dans la nuit du 17 au 18 juillet 1838, six mois, presque jour pour jour, après l’incendie et la destruction de la salle Favart, un autre théâtre, celui du Vaudeville, situé alors rue de Chartres-Saint-Honoré et dont le directeur était Étienne Arago, disparaissait à son tour dans les flammes, qui le dévoraient sans qu’il en restât vestige. Nous allons voir quel nouvel et singulier élément de trouble cet événement allait introduire dans cette question déjà si troublée de l’Opéra-Comique, à laquelle pourtant rien ne semblait devoir le rattacher[1].

En attendant, les projets continuaient d’aller leur train. Au mois de septembre, les journaux annonçaient comme très sérieuse une combinaison nouvelle qui consistait dans la fusion définitive de l’Opéra et du Théâtre-Italien, réunis tous deux dans la salle de l’Opéra et sous la direction de Duponchel, déjà directeur de ce dernier, cette fois avec Louis Viardot comme associé. Il faut croire pourtant que ce projet fut de nouveau et vite abandonné, car, le 4 octobre, les Italiens faisaient leur réouverture hivernale dans la salle de l’Odéon, théâtre alors en déconfiture, et leur apparition, ou plutôt leur réapparition sur un point de Paris si éloigné de leur clientèle ordinaire, ne semblait pas leur porter tort, à en juger par ce compte rendu :

« Ce n’a pas été un médiocre événement dans le quartier voisin du Luxembourg que l’ouverture du Théâtre-Italien à la salle de l’Odéon. Vers sept heures du soir, la rue qui y conduit, la place et les environs qui l’entourent étaient garnis de curieux, les uns aux portes des boutiques, les autres se tenant sur les trottoirs, et tous regardant les deux files de voitures qui s’avançaient avec lenteur vers les
  1. « 18 Juillet 1838. — Le Vaudeville avait donné hier sor les Impressions de voyage, Arthur et Lustucru, trois pièces dont la mise en scène ne devait offrir aucune chance d’inquiétude. À minuit, les pompiers avaient fait leur ronde accoutumée, et aucun indice d’incendie ne s’était révélée, quand, à trois heures du matin, l’un des trois pompiers de garde dans la salle sentit tout à coup une légère odeur de brûlé, qui semblait partir des combles situés au-dessus de la salle, dans la direction du lustre. Il se dirigea vers ce point, et ayant eu la présence d’esprit d’abaisser en passant le rideau, qui était levé comme d’habitude, il se dirigea vers le point d’où l’odeur s’était exhalée. Mais déjà tout était en feu dans les combles, et rebroussant chemin au plus vite, il alla prévenir ses camarades. Au même moment, réveillé par les cris d’alarme qu’on poussait au dehors, et surtout par la fumée qui avait gagné son appartement, M. Barthe, le caissier, qui couchait près du théâtre avec sa femme et sa domestique, s’élança à la hâte dans les coulisses, et, trouvant le rideau baissé, il appliqua l’œil à l’une des lunettes de la toile, et aperçut avec terreur une pluie de feu qui tombait au milieu de la salle. Quant au lustre, il était à demi brisé, la corde qui le retenait aux combles ayant été probablement divisée par l’effet de la combustion. L’incendie avait donc commencé dans les combles ; mais rien n’indiquait la première cause de ce terrible événement.
    Quinze personnes habitaient l’édifice incendié, et, par un bonheur inouï, aucune d’elles n’a péri. Ainsi réveillé en sursaut, M. Barthe a eu le temps de sauver sa femme et sa bonne, et de donner l’éveil au concierge, à sa femme et à sa fille, qui se sont levés à la hâte et ont pu gagner la rue avant que la flamme les eût atteints. Quant à M. Mahret, le propriétaire du café du Vaudeville, après avoir mis en lieu de sureté sa femme et sa fille, il est parvenu, aidé de quelques voisins et de ses deux garçons, à sauver les glaces de son établissement, qui ont été transportées sur la place du Palais-Royal.
    Il paraîtrait, d’après les bruits recueillis sur le théâtre même du sinistre, que de l’atelier des peintres le feu s’est rapidement communiqué à l’atelier de menuiserie ; les flammes ont gagné le cintre du théâtre et toute la partie supérieure de l’édifice.
    La caisse et les registres ont pu être sauvés ; mais beaucoup d’artistes ont fait des pertes considérables. On cite entre autres MM. E. Taigny, Hippolyte, Mmes Balhasard et Albert. Quant aux décors, ils ont tous été consumés… »
    Lesur (Annuaire historique, pour 1838.)