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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/157

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léger que la balle, et plus desséché. Il enfla sa poitrine creuse. L’air s’y engouffra, charriant en sa course une foule d’étranges objets qui ressemblaient à des maisons, des arbres, des gares, des réverbères… Il n’y en avait plus ! Plus d’air, et il n’avait pas achevé son aspiration profonde. Mais il était en prison. On poussait les verrous. Une porte tapa. Deux tours de clef — on lui jette un seau d’eau sur le corps… Ouf ! Pourquoi ?

Il ouvrit les yeux. La chute lui avait paru lourde pour un corps si vide, si vide, si vide. Il était dans sa cabine. Ah ! Tout allait bien. Sa figure ruisselait de sueur, ses bras pesaient comme du plomb. Il vit le coq debout dans l’embrasure, une clef de cuivre dans une main et un pot d’étain brillant dans l’autre.

— je viens de fermer les portes pour la nuit, dit le coq rayonnant et bénévole. On vient de piquer huit heures. Je t’apporte un peu de thé froid pour la nuit, Jimmy. Même que j’y ai mis du sucre blanc, du carré. Le bateau ne coulera pas pour ça.

Il entra, fixa le pot au bord de la couchette et demanda par acquit de conscience :

— Comment ça va ?

Puis s’assit sur le coffre.

— Hum, grogna Wait d’un ton peu engageant.

Le coq s’épongea le front avec un chiffon de coton sale qu’ensuite il se noua autour du cou.

— Les chauffeurs font ça sur les vapeurs, dit-il avec sérénité et très content de lui. Ma besogne est aussi dure que la leur, j’ai idée, et me tient plus longtemps. Tu les as jamais vus au fond de leur trou ? Des diables, qu’on dirait, qui chauffent, chauffent, chauffent, tout en bas.

Son index montrait le plancher. Quelque pensée lugubre obscurcit sa face joviale, ombre de nuage voyageant sur