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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/163

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Le coq joignit les mains, brandit ses poings au-dessus de sa tête et ses bras tombèrent comme devenus trop lourds. Un moment il resta là, tête perdue, sans paroles.

— Jamais, bégaya-t-il… je… lui…

— Qu’est-ce que vous dites ? prononça le capitaine AIIistoun ? Sortez tout de suite, ou bien…

— Je m’en vais, dit le coq promptement, d’un air de sombre résignation.

Il franchit le seuil avec fermeté, hésita, fit quelques pas. Tous le contemplaient en silence.

— Je vous rends responsables ! cria-t-il avec désespoir en pivotant à demi. Cet homme se meurt. Je vous rends…

— Encore là ? héla le patron d’un ton gros d’orage.

— Non, sir, exclama l’autre très vite, une alarme dans la voix.

Le maître d’équipage l’emmena par un bras ; quelqu’un rit, Jimmy leva la tête, risqua un œil furtif et d’un bond inattendu sauta hors de la couchette. M. Baker, adroitement, l’empoigna au vol ; le groupe qui encombrait la porte grogna de surprise. Le nègre fléchit dans les bras du second.

— Il ment, suffoquait-il, il parle de démons noirs. C’est lui un diable, un diable blanc. Je suis solide.

Il se raidit et M. Baker, pour voir, le lâcha. Il chancela, fit un pas ou deux en avant sous le regard calme et pénétrant du capitaine Allistoun ; Belfast se précipita pour soutenir son ami. Il ne semblait pas se douter d’un voisinage quelconque ; il resta muet un instant, luttant contre une légion de terreurs innommables, parmi les regards avides de ces curiosités allumées qui l’observaient de loin, seul absolument, en l’impénétrable solitude de sa crainte. Des souffles lourds brassèrent la ténèbre. La mer à