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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/164

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travers les dalots gargouilla comme le navire donnait de la bande sous une brève risée du vent.

— Empêchez-le donc de venir m’embêter, fit enfin le baryton sonore de James Wait, tandis qu’il s’appuyait de tout son poids sur la nuque de Belfast. Ça va mieux cette semaine… Je suis d’aplomb… J’allais reprendre mon service demain — tout de suite, si vous voulez, capitaine.

Belfast tassa les épaules pour tenir Wait debout.

— Non, dit le patron en le fixant.

Sous l’aisselle de Jimmy la figure rouge de Belfast grimaçait inquiète. Une rangée d’yeux brillants bordait la zone de lumière. Les hommes se poussaient du coude, tournaient la tête, chuchotaient entre eux. Wait laissa tomber le menton sur la poitrine et sous ses paupières baissées promena alentour son regard soupçonneux.

— Pourquoi pas ? cria une voix sortant des ombres, il n’a rien, sir.

— Je n’ai plus rien, dit Wait, avec feu. Mal en train… fini maintenant… vais reprendre.

Il souffla.

— Sainte Mère de Dieu ! s’écria Belfast en remontant les épaules, tiens-toi debout, Jimmy.

— Va-t’en de là alors, dit Wait en éloignant Belfast d’une poussée pétulante. Puis il tituba, se raccrocha au chambranle. Ses pommettes luisaient comme sous l’enduit d’un vernis. Il arracha son bonnet de nuit, s’en essuya le visage, le jeta sur le pont.

— Je sors, dit-il, sans bouger.

— Non. Je dis non, dit le patron tout sec.

Des pieds nus traînèrent sur les planches, des voix désapprobatrices murmurèrent de toutes parts, il continua comme s’il n’entendait point :

— Vous aurez tiré au flanc pendant toute la traversée