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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/165

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et à présent vous voulez sortir ? Vous vous jugez assez près du comptoir de paye. Ça sent la terre déjà, hein ?

— J’ai été malade, ça va mieux maintenant, marmonna Wait, les yeux luisants sous la lumière.

— Vous avez fait le malade, rétorqua sévèrement le capitaine Allistoun ; voyons… — il hésita moins d’une demi-seconde — ça crève les yeux. Vous n’avez rien du tout, mais ça vous a plu de garder le lit et ça me plaît à moi maintenant que vous y restiez. M. Baker, j’entends qu’on ne voie pas cet homme sur le pont d’ici la fin du voyage.

Il y eut des exclamations de surprise, de triomphe, d’indignation. Le groupe sombre des matelots se porta en avant dans la zone éclairée.

— Pourquoi ? — Je te l’avais dit… — Si c’est pas honteux… — Ça, par exemple, faudrait voir à en causer, brailla Donkin du dernier rang. — As pas peur, Jim, t’auras ton dû, crièrent plusieurs voix ensemble. Un matelot âgé s’avança :

— C’est-il à dire, sir, demanda-t-il d’un ton oraculaire, qu’un gars malade n’aurait pas le droit de se remettre à bord de ce sabot ?

Derrière lui, Donkin chuchotait rageusement au milieu d’une foule où personne ne lui jetait l’aumône d’un regard, mais le capitaine Allistoun secoua son index devant la face bronzée, durcie par la colère de son interlocuteur.

— Toi, tais-toi, fit-il en guise d’avertissement.

— Il y a rien de fait, clamèrent trois ou quatre jeunes matelots.

— On est donc des machines ? s’enquit Donkin d’un ton perçant, en plongeant sous les coudes du premier rang.