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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/206

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de bottes. C’est eux qui m’ont poussé pour se mettre contre moi ensuite. Y a que moi d’homme ici. Des coups de pied, des coups de poing, v’là ce que j’ai eu, et tu riais, toi, s’pèce d’embêteur de macchabée noir. Tu me le paieras. Ils te donnent leur viande, leur eau, tu me les paieras, à moi, bon Dieu ! Qui qui m’a offert un quart d’eau à moi ? Ils t’ont mis leurs sacrées nippes sur le dos cette nuit-là, et à moi qu’est-ce qu’ils m’ont donné — un pain sur la gueule — les salauds… Faudra voir ! Tu me le paieras, avec ton argent. J’te vas l’étouffer dans une minute ; aussitôt que tu seras mort, sale carcasse toquarde de prop’à rien. Vlà le monsieur que je suis. Toi t’es… à la manque, t’es…une chose. T’es nib. Cadavre, va !

Il visa la tête de Jimmy du biscuit sur lequel tout le temps sa main s’était crispée, mais ne fit que l’effleurer. Le projectile frappa bruyamment la cloison, éclatant comme une grenade à main en fragments dispersés. James Wait comme blessé à mort retomba en arrière sur son oreiller. Ses lèvres cessèrent de bouger et ses prunelles chavirées s’immobilisèrent, rivées au plafond avec une intense fixité. Donkin en fut surpris ; il s’assit tout à coup sur le coffre et regarda le plancher, exténué, l’œil lugubre. Après un moment il se mit à marmotter entre ses dents :

— Meurs, salaud, mais meurs donc ! Quelqu’un va entrer… Je voudrais être saoul… Dans dix jours !… Des huîtres !…

Il leva la tête et parla plus haut.

— Non… Fini pour toi…, fini des sacrées gonzesses qui font frire les huîtres… Qui c’est-il que t’es ? A mon tour maintenant… Je voudrais être saoul ; ce que je te la ferais la courte échelle jusqu’à là-haut ! C’est là que t’iras. Les pieds devant, par un sabord… Plouf ! On te verra plus jamais. A la mer ! C’est tout ce que tu vaux !