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Page:Le Socialisme II. Le Socialisme dans l'antiquité - Le Communisme de Platon et l'Individualisme d'Aristote. - Charles RAPPOPORT.pdf/9

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une idée d’une maison et je la construis ; je me forme une idée d’une table et je la forme selon mon idée ; alors, dans l’action, l’idée paraît précéder l’objet. Prenons les choses les plus vulgaires, les objets les plus ordinaires de la vie, une table ; il y a différentes tables ; on ne peut pas dire qu’il y a une table ; il y a d’autres tables qui ont une autre forme, une autre grandeur, une autre longueur. Alors, Platon se dit : il y a d’abord l’idée de la table et les autres tables ne sont que des réalisations différentes, des matérialisations différentes de la table idéale, comme des maisons différentes sont des constructions imparfaites de la maison idéale.

Voilà pourquoi il est arrivé à construire la société idéale ou, plus exactement, l’idéal d’une société, l’idée d’une société qui doit réaliser l’ordre suprême, la beauté suprême, la justice suprême. Quand il a fait son plan, Platon (comme tous les utopistes, et c’était le premier utopiste) a cherché un bon terrain ; il ne pouvait pas s’adresser à la classe ouvrière de cette époque ; elle n’existait pas comme classe ; il s’adressait à ceux qui avaient le pouvoir ; il disait au tyran de Syracuse : réalisez le plan de cette société parfaite.

Quelle, était cette société parfaite, cette république idéale de Platon ?

Platon considère la Société comme un individu parfait, comme un organisme ; l’homme, disait-il, a trois âmes, ou plutôt trois parties de l’âme ; une partie représente l’appétit, les désirs, les passions grossières ; l’autre partie représente le courage et le cœur et la troisième partie, la partie supérieure, représente la raison. Et pour que l’organisme soit parfait, pour que l’organisme vive en bon ordre, il faut que les parties inférieures de l’âme : l’appétit, les désirs et le courage soient subordonnées à la raison, qui représente l’Etat, la forme la plus parfaite.

Quels sont les éléments de la société qui incarnent les idées pures ? Ce sont les philosophes, les penseurs ; il faut donc que les rois soient philosophes et que les philosophes soient rois. Alors, on pourrait réaliser la société idéale, ou la république de Platon, qui se compose de trois classes correspondant aux trois parties de l’âme que je viens de caractériser. Les désirs, les appétits, sont représentés par les ouvriers, par les laboureurs, par les artisans, en un mot par ceux dont la spécialité est de s’occuper des conditions matérielles de l’existence ; la seconde partie de l’âme : le courage, est représentée par la classe des guerriers ; et la troisième partie, la raison, l’intelligence, est représentée par les magistrats qui sont destinés à gouverner la société.

Platon considérait que la société ne peut avoir de bon ordre et d’harmonie que lorsque la propriété sera commune, et non seulement la propriété, mais les femmes et les enfants doivent aussi être