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Page:Le Stylet en langue de carpe.djvu/100

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venait d’entrer. Il était tourné vers moi et nos deux regards se croisèrent. Je lus chez lui une sorte de haine immédiate. Aussitôt, d’ailleurs, son visage se dirigea avec une indifférence affectée vers l’orchestre qui préludait.

Je devinai un étranger, probablement un homme des bords du Danube. Ce nez aigu et busqué se marie rarement ailleurs à une chevelure de lin blond. Il unissait le masque tatar au sémite avec un rien de l’élargissement du crâne qui caractérise les hommes nés entre l’Adriatique et les Karpathes, où vit une race de brachycéphales particulière et unique au monde. Et tandis que je détaillais sa face, je le reconnus.

En 1917, durant mon séjour en Autriche comme agent secret, je faillis, à Vienne, être pris au sortir d’un café. C’est dans de telles occasions que la maîtrise de soi permet seule d’échapper à un traquenard implacable.

En effet, ce jour-là, comme je franchissais la porte de l’établissement où je venais de déjeuner, deux hommes partis de dix mètres