Aller au contenu

Page:Le Stylet en langue de carpe.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marronniers, sucrée des tilleuls, amère des platanes, acide des pins ; je retrouve cela avec une secrète colère. Nous passions ainsi, Rubbia à la chevelure ardente, et moi souvent occupé à régler la foudre domestiquée des explosifs aux cylindres de ma moto. Les campagnards, petits et râblés, face tannée et maigre, moustaches serrant des bouches cupides, nous regardaient comme jadis ils devaient admirer le carrosse du seigneur venu vers quelque source thermale en ce pays des eaux thérapeutiques. Le vent, tantôt nous coupait la figure, tantôt nous poussait vers un but inconnu. Nous allions, heureux et libres. Les soirs en tombant nous trouvaient encore errants sur les routes et sans savoir où nous allions. Qu’importait ? Nous étions les vrais conquérants modernes : Trois brownings dans mes fontes comme un cavalier du far-west, de l’or dans mes poches, un carnet de chèques pour renouveler, si besoin était, les richesses à dépenser, et le mépris d’hier comme de demain. Tel était notre faix. Je me sentais le seul désir