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Page:Le Stylet en langue de carpe.djvu/78

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tant que malade. Ce qu’ordonnait Sauvier s’exécutait en perfection. S’il lui fallait ne pas bouger, elle restait vingt-quatre heures sans remuer un doigt.

Elle parlait peu. Et seulement de son mal, par phrases douces et lentes. Je la sentis longtemps hésitante sur sa propre vie. Une grande résignation l’habitait, quoique elle n’eût aucune foi dans l’au-delà.

Quant à moi, jamais je n’aurais soupçonné avant cette aventure mes propres ressources de dévouement et de patience. L’homme qui professait le mépris de tout, qui déprisait les sentimentalités et les fièvres altruistes, l’individualiste catégorique et sans respect pour rien, hors soi, s’était totalement effacé de mon esprit. Je prenais joie à marcher sur le bout des pieds pour ne pas éveiller ma belle rousse. Je m’amusais à prévoir les caprices de la malade pour les satisfaire et trouvais à cela une joie enfantine.

Et notez bien que je ne désavouais rien de mes idées antérieures. Il s’agissait d’une exception, si j’ose dire, qui confirmait la