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Page:Le Stylet en langue de carpe.djvu/82

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de rentrer enfin chez elle. Sans doute, avec cette finesse qui est héréditaire chez les femmes, devina-t-elle ma secrète curiosité. En ce cas, elle sut admirablement dissimuler ses pensées. Dire qu’elle parût vivre au sein de la félicité serait excessif. Elle allait, venait ; s’installait à lire ou à rêver, toujours sans nulle impatience, et sans perdre à ma vue un sourire mi-ironique mi-affectueux qui m’enchantait.

Mais ce fut tout.

J’admirais cette forme gracile et indolente. Elle meublait admirablement mon logis. Je ne recevais plus personne, en mon désir de garder cet être bizarre et fascinant bien à moi. Elle avait le secret des poses sphingiennes, et trouvait à elle seule, moyen d’évoquer toutes les déesses de l’antiquité. Son rire ambigu créait une sorte d’atmosphère. Son corps souple se disposait spontanément comme celui d’un félin qui se love. Cette étrangeté d’apparence lui conférait un charme prenant, plein de réminiscences poétiques et dont je ne pouvais me lasser.