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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/301

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quin, et le cortége, dûment organisé, sort de sa prison par la porte de la douane qui ouvre sur le Tokaïdo. Au bout de quinze à vingt minutes de marche, entre deux haies de curieux des deux sexes accourus des boutiques, des maisons de thé et des maisons de bains du voisinage, dans un négligé très-pittoresque sans doute, mais peu fait pour rehausser la dignité du spectacle, l’on gravit les collines de Tanakawa, l’on entre dans les solitaires ruelles des enceintes claustrales, et bientôt l’on a franchi le seuil de cette autre prison privilégiée qui porte le titre de légation.

Les bâtiments du temple de Tjoôdji, siége de la légation hollandaise, avaient été mis à ma disposition par le représentant de S. M. le roi des Pays-Bas au Japon. Comme ils étaient alors inoccupés, ils ont servi d’asile ou de résidence aux membres de la légation suisse toutes les fois qu’ils ont fait des excursions ou un séjour prolongé dans la capitale. J’y fus introduit, lors de ma première visite officielle à Yédo, par le commandant de la corvette néerlandaise la Méduse, M. le lieutenant-colonel de Casembroot, aide de camp du roi, qui devait, un peu plus tard, avoir l’honneur de franchir le détroit de Simonoséki sous le feu des batteries du prince de Nagato, en relevant héroïquement le gant que le parti féodal japonais s’avisait de lancer à la civilisation européenne.


Entrée du Tjoôdji, siége de la légation hollandaise, et résidence de l’ambassade suisse, à Yédo. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Après avoir pris congé de ce brave officier supérieur et de son digne état-major, je restai seul au milieu d’une centaine de Yakounines, avec trois de mes compatriotes, M. Brennwald, secrétaire de légation, M. le lieutenant d’artillerie Iwan Kaiser, et M. James Favre-Brandt, attachés de légation, et deux Hollandais, M. le vice-consul Metman, adjoint à la mission suisse, et M. Édouard Schnell, remplissant les íbnotions d’interprète.

Nous avions amené de Benten le personnel de service nécessaire. Notre installation, préparée de longue main, fut promptement terminée.

Si la quiétude du gouvernement de S. M. Taïkounale n’en eût pas été si gravement troublée, je me serais volontiers accommodé du Tjoôdji pour y passer les quelques mois d’été. Comme ce petit temple délaissé est entouré, de tous côtés, d’autres lieux sacrés presque aussi solitaires, l’on y trouve le calme de la campagne à proximité de l’animation des grandes rues de la cité.

La route qui y conduit depuis le Tokaïdo est partiellement taillée en degrés. Des murs de couvent et une grande porte noire à deux battants, surmontée d’une toiture, annoncent l’entrée de la légation.

L’ancien préau du cloître est bordé, sur deux côtés, de constructions en bois, parmi lesquelles on distingue une loge de portier, un corps de garde, des stalles à chevaux, un magasin de fourrage.