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Page:Le poisson d'or.djvu/12

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LE POISSON D’OR

la peine de le chanter en beaux vers qui claquaient comme des fouets de poste. La satire, chez nous, ne sert qu’à proclamer la royauté de la vogue.

Dès qu’il eut pris place dans le fauteuil attribué aux conteurs, et qu’on appelait la sellette, le cercle de la marquise fit silence ; seulement, la belle duchesse de D*** qui était la nièce de Talleyrand et qui n’aimait pas du tout le ministre, chuchota :

Son Excellence va nous révéler quelque bon petit secret d’État !

Mesdames, répliqua Son Excellence, je ferai tout ce que vous m’ordonnerez. J’ai dans ma poche la dernière circulaire électorale et cinq projets de lois tous plus jolis les uns que les autres. Mais, si vous m’en croyez, vous me laisserez dire à ma guise. Voilà quinze grands jours que je vous prépare, dans le silence du cabinet, un conte de ma mère l’Oie : le Poisson d’or.

Il y eut un murmure général à ces mots « un conte de ma mère l’Oie ». La marquise et ses fidèles n’entendaient point raillerie dès qu’il s’agissait de la spécialité de leur cercle. Son Excellence, sans doute, avait tenu tête à bien des orages, « dans une autre enceinte », comme on disait alors ; mais Son Excellence était ici pour plaire ; elle promena sur l’auditoire le plus souriant de ses regards et répéta :

Le Poisson d’or, mon Dieu, oui, belles dames ! Je vous supplie de ne point me condamner sans m’entendre. J’ai mission de vous divertir pendant une heure ou deux : c’est grave. Désespérant d’arriver à mon but en détachant un épisode de ma carrière politique, tout unie et surtout connue comme la biographie du loup blanc, j’ai fait appel à d’anciens souvenirs. Avant certaine soirée où Sa Majesté me fit l’hon-