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LE POISSON D’OR

la baleinière volage roulant à la crête du flot comme une coquille d’œuf. Tout cela glissait et grouillait, forêt vivante, agitant avec paresse, aux haleines essoufflés du calme, tout un feuillage, de drapeaux et d’oriflammes. On n’eût point su dire lequel brillait le plus violemment des dames amies de l’administration, des embarcations repeintes à neuf ou des plis onduleux du drapeau tricolore, je vis des cousines d’enseignes de vaisseau qui étaient plus tricolores que le drapeau lui-même. Je vous parle de longtemps et j’espère que, depuis lors, la plus belle moitié de Lorient a mis une sourdine à sa toilette.

Pendant que la mer présentait cet aspect, le clocher de Port-Louis sonna un carillon lent et grave auquel répondit sur le même ton la tour de Notre-Dame de Larmor, cône de granit terne et rugueux, semblable à un gigantesque coquillage. Et de loin, de bien loin, la brise faible apporta une sorte de soupir métallique qui était le son fêlé des cloches de l’île de Groix, là-bas, au delà de la mer.

Le tambour invisible battit aux champs derrière ces robustes murailles que Vauban inclina autour de Port-Louis ; on entendit le sonore écho des commandements militaires, et une triple ligne de mousquets étincela sur les remparts.

En même temps, la porte de la citadelle s’ouvrit. Bannière et croix en tête, le clergé mit le pied sur la grève, escortant le dais, sous lequel rayonnait ce soleil d’amour, le Saint-Sacrement, joie et salut du monde. Les blancs surplis éployèrent leurs ailes de gaze, la broderie des chappes scintilla, tandis que le serpent d’airain soutenait de son mâle accompagnement les phrases courtes et fermes de la psalmodie catholique.