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Page:Le poisson d'or.djvu/35

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LE POISSON D’OR

Une voix ajouta :

— Deux pots du plus raide ! Seveno va conter une histoire.

— Cric ! prononça Seveno solennellement.

— Crac ! fut-il répondu en chœur.

— Le feu chez Mikelic !

— La goutte chez la Tabac !… voilà donc qui est comme ça, mes garçailles ! Le Judas, aujourd’hui, a je ne sais plus combien de navires, son chantier de Nantes et son chantier de Lorient, quatre presses, trois fricasseries, et plus de bonnes terres qu’il ne nous en faudrait à tretous pour la passer douce jusqu’ad vitam æternam amen. Nage à bâbord, Vincent : charge mon écuelle. N’empêche qu’il était gueux comme un rat à l’époque, j’en lève la main, et failli pêcheur, par-dessus le marché ; qu’il n’étrennait pas quelquefois, quand nous amenions la dorade, deux à deux, là-bas, au Grand-Bac ou la Baleine. Ah ! mais ! et je peux-t-en parler, l’ayant-z-eu un temps pour mon pilotin, fainéant, rapia comme un Grésillon, ficelle comme un marin du levant, et tous les défauts, quoi, en grand, v’la sa ressemblance. N’ayant rien pour lui, sauf de bien tirer la brasse et la coupe, nager, plonger et faire des tours de force dans l’eau pour deux sous… qui n’est pas digne d’un Breton. Hé ho ! passe le pot ! Le Judas à bas ! Regarde voir au bout de ton nez d’où vient le vent. Toute fleur n’est pas des pommes ! Pare à boire un coup, mes garçailles ! ho hé ! houp !

Le salon de la marquise rendit ce murmure qu’on entend au théâtre, quand la pièce arrive à un effet d’auteur ou d’acteurs. C’était ici un effet d’acteur. Son Excellence, changeant de note brusquement et