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Page:Le poisson d'or.djvu/40

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LE POISSON D’OR

qu’il en connaissait plus d’un pour avoir essayé. Mais la ligne filait toujours, toujours, quand même elle avait cent brasses de long, sans pouvoir toucher jamais le fond de la mer… À quoi que tu penses, Vincent, failli ? Charge ma tasse, bourre ma pipe et pare à écouter !

Bien au contraire, quand un Penilis voulait tenter l’aventure, il n’avait qu’à parer son hameçon avec ce qui n’est ni ver de vase, ni blanc de morgatte, ni cancre franc, et du premier coup le grand merlus avalait son fer. C’est connu, Guillaume de Penilis, le père du colonel, et ton aïeul, Vincent sans cœur qui n’écoute pas, alla mouiller comme ça a l’ouest de Groix en l’an 65, au mois de juin, la nuit même qui suivit la bénédiction des couraux ; car il faut ça les autres nuits, rien à faire ! Il venait de Paris, où il avait mangé ses fermes, ses moulins et ses châteaux ; c’était une moitié de Français, et ce fut lui le premier qui se laissa appeler M. de Chédéglise.

H était seul dans sa barque, comme de juste ; ceux de Groix le virent au clair de la lune, depuis neuf heures du soir jusqu’aux environs de minuit, et ils l’entendirent aussi, car il chantait en vidant ses bouteilles de vin mousseux qui avaient un goulot d’argent. Il avait l’air d’attendre quelqu’un ou quelque chose, et sa ligne restait enroulée sur son chevalet. Comme il y a un jour, il y a une heure. La boîte endiablée doit toucher l’hameçon au moment où le premier coup de minuit tinte au petit clocher de la chapelle de Lokeltas-en-l’Île.

Ici Vincent demanda, et la mâle sonorité de sa voix me fit tressaillir :

— Patron Seveno, quelle est donc cette boîte où