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Page:Le poisson d'or.djvu/41

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LE POISSON D’OR

l’on ne peut piquer l’hameçon sans pécher mortellement, et qui n’est ni cancre franc, ni ver de vase, ni blanc de morgatte ?

Je dois vous dire, mesdames, que le mot celtique boît, dont la langue anglaise a fait bait, est absolument technique sur les côtes de Bretagne, même dans les localités où l’on parle le français. Il désigne la matière, quelle qu’elle soit, qui sert d’appât pour prendre le poisson. Seveno vient de nous énumérer trois des principales boîtes en usage dans les couraux de Groix. Il faut y ajouter la chair du pelon et du mulet, les crevettes, le contenu de la moule, et surtout les abattis de sardines, qui constituent la plus abondante et la meilleure de toutes les boîtes.

— Père Mikelic ! s’écria Seveno, un pot de dur, l’innocent a parlé !

Et les quatre matelots demandèrent en riant :

— Mousse, as-tu la fièvre ?

Il paraît que, d’ordinaire, ce beau Vincent n’était pas bavard.

— Les uns disent que c’est ceci, reprit le patron d’un ton grave, les autres cela ; mais tous s’accordent à convenir que la chose se prend au cimetière ou à l’église… et qu’elle coûte cher, l’enfant !… Car entre ceux qui ont péché le poisson d’or il n’y en a pas un qui soit mort dans son lit… Et cric !

— Et crac !

— Où M. Guillaume avait pris sa boîte, ça ne nous regarde pas. Il en avait de la bonne, voilà qui est sûr. Quand le premier coup de minuit tinta à la chapelle de Lokeltas, on cessa de l’entendre chanter. Mais voilà le plus drôle : la barque, que le clair de lune montrait comme en plein jour, disparut tout à coup dans une