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Page:Le poisson d'or.djvu/44

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LE POISSON D’OR

et il n’était que temps, vu le vent qui soufflait en tourmente, droit debout à sa route. Pour un failli matelot comme lui, quatre heures de godille, ce n’était pas de trop pour doubler les couraux. Si quelqu’un m’eût demandé mon avis, j’aurais dit « Mon Bruant n’ira pas seulement jusqu’aux Errants qui sont à demi-lieue de Larmor. »

Il s’embarqua ici près, au milieu de la grève de Porpus, sur une plate appartenant au sous-brigadier de la douane. Il nagea d’abord tout le long de la côte pour profiter du remous et s’abriter contre le vent. Il mit une grande heure d’horloge à gagner la pointe. Je restais là à le regarder. Il ramait de son mieux, mais la fatigue le gagnait déjà, car je le voyais à chaque instant essuyer la sueur de son front avec sa manche. Neuf heures sonnant, je cessai de l’apercevoir, parce que la nuit tombait tout à fait. Il était en train de doubler les roches et n’avait pas fait le demi quart de son chemin.

Je passai par Gavre, où je bus chopine pour me réchauffer le cœur, car j’avais le malaise en pensant à cet homme qui peut-être allait mourir en état de grand péché mortel, puis je regagnai ma case, sur l’autre grève, du côté de l’est. Il ne faut pas dit minutes pour traverser à pied la langue de terre, mais j’avais trouvé des amis d’auberge, et Port-Louis sonnait dix heures quand j’arrivai à ma porte. Avant de rentrer, je regardai la mer pour deviner le temps du lendemain. Je m’attendais bien à ne pas voir une coque de noix sur l’eau entre Gavre et Quiberon ; l’orage venait ; la côte était blanche d’écume.

À quatre ou cinq cents pas au large, une embarcation allait avec le flot, menée par un seul homme. Du pre-