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Page:Le poisson d'or.djvu/46

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LE POISSON D’OR

— J’avais jeté mon grappin depuis cinq minutes, quand l’heure a sonné à la chapelle de Lokeltas, oui.

— Minuit ?

— Minuit.

— Après ?… As-tu eu le merlus tout en or ?

Sa voix trembla un peu pendant qu’il répondait :

— Je l’ai eu.

— Montre ! m’écriai-je sans croire, mais pris par la curiosité.

Il fit un pas vers la table et vida dessus un long sac de cuir où il y avait beaucoup de pièes jaunes.

Jamais je n’ai ouvert les yeux si grands de ma vie.

— Et tout ça est à toi ? que je fis.

— Je l’ai bien gagné !

— Tu l’as trouvé dans le merlus ?

— Dans le merlus, oui.

— Et c’est de la bonne argent de monnaie ?

— Regarde et touche !

Il versa dans ma main une poignée de louis de vingt-quatre francs avec la tête du roi Louis XV. C’est pour le coup que j’avais la berlue ! Je sautai à bas de mon lit. Il mit aussitôt le couteau à la main, car il me jugea d’après lui-même, et il crut que je voulais le voler. Mais je ne me fâchai pas, j’étais content pour lui.

— Et que vas-tu faire de ce trésor-là, matelot ?

— La commune de Port-Louis a mis les biens des émigrés en vente, me répondit-il, en serrant ses louis dans le sac de cuir.

— Tu vas les acheter ?

— Je vas acheter le château de Chédéglise et les terres de Keroulaz…

Mes garçailles, c’est beau à voir un tas d’or qui reluit au soleil. Le premier rayon du matin entrait par