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Page:Le poisson d'or.djvu/80

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LE POISSON D’OR

tête. Je n’avais pas encore étudié. Mais maintenant que j’ai étudié, je n’en serais pas plus fin de beaucoup.

J’avais quarante brasses de tirées dans le bateau. Il en restait bien encore une fois autant à tirer, car c’est long, trois lignes bout à bout. J’eus comme un rêve et je vis à travers l’eau une baleine morte. Il en vient de temps en temps jusque chez nous. Ma sueur et mon sang coulaient à la fois ; je râlais tant j’avais de fatigue ?

Enfin le paquet monta ; je dis bien, le paquet : un monceau de goëmons, lesté par un tas de petites roches, des grandes feuilles huileuses, emmêlées avec ce qui me parût être des guenilles. J’eus le courage de passer cela par-dessus bord et je tombai épuisé au fond de la plate.

Mon hameçon n’avait plus de boîte, et ma ligne était mêlée comme une tignasse de petit grésilon qui n’a pas été peigné depuis sa naissance.

Mes pauvres douze mille francs, monsieur l’avocat. Ma pêche ne valait pas douze liards, c’est sûr ! Il était bien une heure du matin quand je me sentis assez fort pour lever mon grappin. J’avais maintenant contre moi le vent et la marée, et j’étais faible par le sang que j’avais perdu avant de bander mon bras. Il fallut pourtant nager et nager ferme, car je voulais arriver avant le jour. La honte me tenait ; il me semblait que tout le monde allait dire en voyant passer Voici Vincent, l’innocent, qui revient de pêcherie poisson d’or !

Les nuits sont courtes en juin. Les couraux se couvraient déjà de barques quand j’accostai à la pointe de Gavre. Je ne peux pas dire non, monsieur l’avocat, l’espoir est quelque chose d’entêté avant de quitter ma plate, je voulus éplucher le tas de goëmons que