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Page:Le poisson d'or.djvu/83

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LE POISSON D’OR

je me sentis plus fort à la pensée qu’elle allait prier pour moi, la douce sainte.

Elle vint trois fois à Gavre ; la troisième fois, je pus la reconduire un petit bout de grève, et, huit jours après, je pris le chemin de Port-Louis pour parler au grand-père. En route, j’étais bien tremblant ; je pensais que j’aurais dû allumer au moins un cierge à Larmor pour le succès de mon entreprise ; mais dès que le grand-père m’eut demandé ce que je voulais, je me sentis du courage plein le cœur.

Pour sûr, Jeanne priait, et ma force, c’était sa prière.

Je vivais avec de bien pauvres gens ; mais la pauvreté de ceux qui ont les mains rudes n’attriste pas comme l’indigence qui était chez M. Keroulaz, autour de moi, indigence pleine encore du souvenir des jours meilleurs. Sans la prière que Jeanne faisait, je serais resté muet, tant j’avais de compassion et de respect.

– Je suis Vincent Penilis, dis-je il n’y a plus que moi. Voulez-vous me fiancer votre petite-fille ?

Il me regarda de la tête aux pieds. Je m’étais pourtant habillé de mon mieux, mais la rougeur vint sous ses cheveux blancs. Ce qu’il pensa, il ne le dit point, et ses seules paroles furent celle-ci :

– Nous avons tous été ce que nous ne sommes plus, vous et nous.

Après un silence pendant lequel mon cœur tremblait, il reprit :

– Vous êtes bien jeune, mon cousin Penilis.

Vous le connaissez, vous savez quelle généreuse bonté il y a dans son âme, monsieur l’avocat. Il voulait me refuser, mais il ne voulait pas m’humilier. La Vierge m’inspira de répondre :