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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/116

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Monsieur, tandis que je les secourais, éperdue, folle de douleur, me traînant de l’un à l’autre, tandis que j’étanchais avec mes lèvres le sang qui coulait de leurs poitrines, j’ai fait un vœu : celui de me consacrer entièrement à Gaston et à Louis. Je leur devais ma vie puisque j’avais failli prendre la leur par coquetterie et par légèreté coupable.

Ce vœu, je l’ai tenu. Gaston et Louis sont mes deux enfants, deux enfants dont j’ai fait des hommes, et dont j’ai le droit d’être fière. Ils travaillent. Ils ont l’estime de tous ceux qui les connaissent. Oui, je suis fière de mes fils.

— Mais, demandais-je à Mlle d’Ermeville, et votre existence, votre destinée ?… Vous ne pensez donc pas à vous ?

— J’y penserai quand ils penseront moins à moi. Certes, il ne m’aiment pas selon le sens ordinaire de l’amour, mais ils n’aiment pas non plus d’autre femme. Quand ils aimeront, alors…

— Comment le saurez-vous ?

— Je le saurai le jour où ils viendront me trouver la main dans la main, c’est-à-dire le jour où ils n’auront plus l’un contre l’autre de haine ni de jalousie.

— Désirez-vous que ce jour arrive bientôt ?

Elle se cacha la tête entre ses mains et balbutia :

— Pour eux, oui… Pour moi, non… Que deviendrais-je sans mes deux enfants ?

Maurice LEBLANC.