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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/150

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— Nullement. C’est une promenade délicieuse. Bien entendu, je m’y soustrais quelquefois, selon les exigences du temps ou de ma santé, mais le moins possible. Ma vie est si agréable ! Pensez donc, je satisfais aux deux êtres qui sont en moi, le bon et le mauvais, le paisible et l’aventureux, le sage et le fou, le respectable et le débauché. Ici je suis M. Audimard, rentier honorable et consulté. Là le sieur Vatinel que l’on méprise et que l’on redoute. Jamais de désirs ni de regrets, puisque tous mes instincts sont assouvis. Et si vous saviez quelle jouissance que de me quitter chaque soir pour aller vers l’autre moi !

À mesure qu’il avance vers Saint-Laurent, M. Audimard laisse tomber derrière lui quelque chose de son honnêteté, de ses goûts austères, de ses besoins d’ordre et de mesure, pour entrer dans la peau de ce drôle qui a nom Vatinel. Et au retour vers Fauville, c’est Vatinel qui se dépouille de ses vices et de ses idées de révolte, et c’est M. Audimard qui ressuscite peu à peu, le discret et prudent M. Audimard !…

Maurice LEBLANC.