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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/299

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— J’ai un emploi : tu surveilleras mon entraînement. Pourquoi pas ? Personne ne connaît comme toi mes forces, mon tempérament, personne ne me soignera. mieux… Et à toi je t’obéirai… tandis qu’aux autres…

Deux jours plus tard, et tous les jours qui suivirent, les fidèles du Parc-aux-Princes auraient pu remarquer, un peu à l’écart, appuyée contre la balustrade qui entoure la piste, une femme à cheveux grisonnants, habillée de façon plus que simple, et qui cherchait à passer inaperçue. Il eût fallu une certaine attention pour noter les petits signes qu’elle échangeait avec Desson. Elle arrivait toujours seule, s’en allait, et ne paraissait jamais au quartier des coureurs.

Ainsi l’avait-elle voulu.

— Tu comprends bien, mon Paul, que ma place n’est pas là… tous ces jeunes gens m’intimident… je suis gênée…

Et c’est ainsi, discrètement et de loin, qu’elle assista et contribua aux progrès de son mari. Sévère, méthodique, minutieuse, devinant par instinct de femme tout ce qu’il pouvait supporter d’efforts, les plaisirs, les distractions, la dose de liberté qu’il lui fallait, elle l’amena peu à peu au plus haut point de sa forme. La veillr du match bruyamment annoncé qui devait le mettre aux prises avec Harden, ses partisans étaient presque aussi nombreux que ceux du célèbre Américain.

Quant à lui, il n’avait pas confiance. Et Combien de fois, au cours de la semaine qui précéda ce match, elle dut le remonter et lui imposer la certitude de la victoire ! On la vit alors, à diverses reprises, en compagnie de son mari, et l’on sut que la dame d’un certain âge qui se tenait si exactement à son poste d’observation était là pour Desson et qu’elle dirigeait son entraînement.

Et la course eut lieu devant une foule énorme. L’Américain gagna de peu la première manche, Paul la seconde, et facilement.