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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/301

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Personne aujourd’hui, dans le monde des coureurs, n’admettrait le moindre doute sur la nature des liens qui réunissent Paul et Julie.

D’ailleurs comment en serait-il autrement ? Est-ce qu’une femme laisserait à son mari l’indépendance que Julie laisse à Paul ? Est-ce que celui-ci, célèbre maintenant, ne répond pas souvent — trop souvent, hélas ! pour le cœur douloureux de son amie — aux billets doux qu’elle reçoit ?

« Maman Julie », comme il l’appelle. Et ce nom lui est resté. Moins timide depuis qu’elle peut s’effacer derrière le rôle de mère, elle ne craint plus de se montrer avec Paul aux séances d’entraînement. Elle connaît tous ses camarades. Elle leur parle. Pour eux aussi, c’est « Maman Julie », et beaucoup envient Desson d’avoir cette « maman » si prévenante, si attentive, si courageuse et si réconfortante.

Quelquefois Paul a des remords. Elle le prend dans ses bras.

— Tais-toi, mon Paul, tout est mieux ainsi. Tu es jeune, on te recherche, on t’adule… Vrai, cela te ferait du tort d’être le mari d’une vieille femme comme moi. Mais oui, crois-moi… tu comprends que tes succès n’auront qu’un temps… Un jour tu feras comme les autres… On t’offrira une place à la tête de quelque maison de cycles ou d’automobiles. Eh bien, je serais un embarras dans ta vie… Peut-être aurais-tu honte de moi… tu me renierais… tandis que tu ne renieras jamais « maman Julie »… Et puis, je t’assure, je suis plus heureuse…

Maurice LEBLANC.