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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/351

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Ils rentrèrent à Saint-Gravet pour les fêtes de Noël. Ils ne rapportaient rien aux Vigoux, « ayant eu juste de quoi », comme ils leur dirent.

— Et vous comprenez que nous ne voulions pas y être de notre poche.

— Il vous suffisait d’y être de la nôtre, susurra Mme Vigoux d’une petite voix acide.

Le lendemain, M. Chapain, en lisant son journal, vit la « Liste des numéros gagnants de la Loterie du Salon de l’Automobile ».

— Tiens, mais on nous a donné une enveloppe à l’entrée ! Regarde donc le numéro, chérie.

Chérie regarda et poussa un cri. Ils avaient gagné le gros lot, une automobile Asseline, huit-chevaux…

Ou, du moins, le numéro 24 257 gagne le gros lot. Or, à qui appartient le numéro 24 257 ? Au seul ménage Chapain, ou bien, par moitié, aux deux ménages Chapain et Vigoux ?

Voilà la question que M. Vigoux lança un matin au saut du lit, après deux jours d’affreux désespoir et trois nuits d’insomnie torturante.

La nouvelle les avait atterrés. Les Chapain auraient une automobile de 7 000 francs, une automobile payée avec leur argent à eux, Vigoux ! Car, cela ne faiait pas de doute, on prenait ces 7 000 francs dans leur poche, Ils avaient véritablement 7 000 francs de moins dans leur poche.

Non, cela ne pouvait pas être ! cela ne serait pas ! On ne dépouille pas les gens de la sorte. D’ailleurs, l’exclamation de M. Vigoux résumait la situation à merveille : qui gagnait réellement l’automobile ?

M. Vigoux ne prit que le temps de passer un pantalon et une veste, et courut chez Chapain.

Chapain éclata de rire quand il eut connaissance du doute émis par son ami.