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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/352

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— Ah çà ! vous êtes fou, mon cher ! çà ne tient pas debout.

— Alors vous refusez d’examiner la question à ce point de vue ?

— Absolument.

C’était l’inévitable fâcherie. L’après-midi, les deux femmes, s’étant rencontrées, se dirent des injures. On ne se salua plus.

Deux semaines plus tard l’automobile arrivait.

On alla en foule la chercher à la gare. On en avait tant parlé depuis que la querelle Chapain-Vigoux passionnait la petite ville, les uns tenant pour le quincailler, les autres pour l’herboriste !

Le cortège, à la suite de la voiture, que remorquait un des chevaux de l’omnibus, se dirigea vers une remise que les Chapain avaient louée.

Là, coup de théâtre. Le juge de paix, qui venait sur la requête du sieur Vigoux, attendait. Dès que l’automobile fut introduite dans la remise, il apposa les scellés sur les portes.

La thèse des Vigoux ne manquait pas d’une certaine justesse.

— Nous formons une cagnotte destinée à payer à l’un des deux couples un séjour à Paris. On tire au sort. La cagnotte échoit aux Chapain. N’est-il pas évident que les Chapain ont gagné strictement l’argent de cette cagnotte, c’est-à-dire le moyen de se payer un séjour à Paris, comprenant billets de chemin de fer, notes d’hôtel, distractions, théâtres etc. ? Dans toutes leurs conventions, les Chapain et les Vigoux n’ont jamais envisagé d’autres bénéfices que ceux énoncés ci-dessus.

À quoi les Chapain ripostaient :

— Nous avons gagné la cagnotte avec tout ce qu’elle représente de satisfactions possibles. Tant mieux pour nous si l’un des actes que nous avons accomplis grâce à cette cagnotte à des conséquences imprévues et heureuses, D’ailleurs, comment le pourriez-vous empêcher ?