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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/415

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— Il se peut que cette lettre m’ait été adressée, mais je ne l’ai pas reçue.

— Soit, dit le juge, j’avoue en effet que l’enveloppe n’a pas été retrouvée. Mais… la situation… à laquelle cette lettre… fait allusion… vous était-elle connue ?

— Je ne comprends pas.

Il s’expliqua, assez embarrassé. Je levai les épaules et m’écriai :

— Potins de domestiques, calomnies abominables et dont un homme de ma sorte ne tient pas compte.

— Moi, reprit-il, au bout d’un instant, je suis obligé d’en tenir compte. Et alors, voyez comme tout devient clair ! À deux heures vous partez pour la chasse. À trois heures vous êtes au carrefour des Treize-Chemins, où votre présence a été signalée. À quatre heures moins dix, vous vous dissimulez dans le buisson, juste trois minutes avant que le comte de Gasser…

Je me dressai d’un bond, indigné.

Il me coupa la parole.

— Monsieur, je vous prie de me dire ce qu’est devenue la carabine Fleichman qui se trouvait ordinairement suspendue dans votre cabinet de travail. La balle qui a tué est une balle d’un calibre identique à celui de cette arme.

Je répondis avec étonnement :

— Elle a disparu il y a plus de six semaines. Dix personnes témoigneront qu’elle m’a été volée.

— Ne l’avez-vous pas fait disparaître vous-même en prévision de ce qui allait arriver.

J’éclatai de rire.

— Ma foi, de cette façon, il est évident que tout s’explique. Ce qui est moins compréhensible, c’est que, de trois heures à trois heures cinquante, j’aie pu parcourir les quinze ou seize kilomètres peut-être qui séparent le carrefour des