Aller au contenu

Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Treize-Chemins du fameux buisson. Quinze kilomètres à pied en cinquante minutes, et par des sentiers peu recommandables, souvent à peine tracés, n’est-ce pas une prouesse bien extraordinaire ?

Il réfléchit une minute, puis conclut :

— C’est précisément pour cela, Monsieur, que vous êtes encore en liberté.

— Et que j’y resterai, espérons-le.

— Et, de fait, je n’ai plus entendu parler de rien. La vie continue, calme et monotone. Mes fils grandissent et travaillent. Ce sont deux beaux garçons, dignes du nom qu’ils portent, et dont nulle pensée mauvaise n’a encore terni l’âme pure, Ma femme est un peu pâle, mais forte et grave.

Moi, je chasse, je monte à cheval, je surveille l’exploitation de nos domaines. Et le temps s’accumule sur le passé.

Quelquefois le hasard m’amène du côté de la Fosse-aux-Loups. Aussitôt je m’en éloigne avec un frisson. C’est là, dans une fente de rocher encombrée de broussailles et entourée de marais insalubres, c’est là que se trouvent cachées ma carabine Fleichman et la bicyclette avec laquelle j’ai parcouru en cinquante minutes quinze kilomètres de sentiers pierreux, à peine tracés.

Dieu fera, je veux le croire, que nul ne découvrira jamais la vérité…

Maurice LEBLANC.