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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

SPORTS D’HIVER

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Un peu las, je rangeai ma luge au bord de route et regardai passer devant moi, le long du ruban de neige qui descendait en serpentant de Caux à Glion, la théorie des lugeurs. Isolés ou groupés par deux, par trois ou par quatre, ils glissaient à une telle vitesse qu’on distinguait à peine, parmi la poussière de neige soulevée, l’armature des petits traîneaux qui les portaient. Un cri spécial, un « aaaaah » aigu et prolongé, marquait leur passage. Et d’autres venaient, et d’autres encore.

Au-dessous, masquant Montreux et le lac de Genève, c’était la mer étrange du brouillard, la mer fantastique, irréelle, gonflée de vagues de brume immobiles et gigantesques. Et sur cette mer, sur l’immensité blanche des montagnes, un soleil d’été éblouissant, presque brutal.

— Eh bien ! qu’est-ce que tu fais là ?

— Ah ! Devraine, m’écriai-je, après une seconde d’hésitation.

Ancien camarade de sport aux temps héroïques de la bicyclette, Devraine avait émigré en Angleterre, et je ne l’avais point vu depuis dix ans. On se serra les mains énergiquement, car une bonne amitié nous liait jadis, et Devraine était un garçon sympathique, un peu original, mais franc et serviable. Puis nous remontâmes vers Caux en bavardant, tous deux traînant notre luge au bout d’une corde. Et, reprenant sa question, à mon tour je lui demandai :

— Et toi, que fais-tu là ?

— Mais du sport, bien entendu. Qu’y a-t-il d’intéressant ici-bas en dehors du sport ? Et parmi les sports y en a-t-il un seul qui puisse lutter avec les sports d’hiver, le patinage, le bob-sleigh, le sky ?