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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/84

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Tout à coup un virage, entre deux piliers qui soutiennent une grille ouverte à deux battants. Nous entrons dans un parc. Au fond, à gauche, s’ouvre une grande cour entourée de communs. Des gens sont là qui agitent les bras. J’ai l’impression que nous allons nous briser contre les murs…

Un geste rapide, puis un effort de toute la machine, et nous arrêtons net.

Aussitôt deux messieurs bondissent auprès de nous. Ma compagne est saisie, arrachée de son siège, emportée dans leurs bras.

Un troisième me tend la main et m’aide à descendre. Et je l’entends qui m’interroge :

— Eh bien, il n’est rien arrivé ? Ah ! depuis ce matin, le prince est dans un état ! C’est lui, vous savez, qui devait aller là-bas, à Saint-Raphaël… L’automobile attendait devant le perron, et voilà soudain que la princesse s’échappe de la chambre où elle vit enfermée, saute dans la voiture et disparaît… Mon Dieu, quelle histoire !

Je ne comprenais point.

— Elle vit enfermée ?… Comment cela ?

— Ah ! vous ne savez donc pas ? Mais elle est folle… oui, depuis un an, depuis la mort de ses deux fils… absolument folle. En vérité, vous avez de la chance !

Maurice LEBLANC.