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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/85

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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

« Dame jeune et jolie »

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« Dame jeune et jolie désire compagnon de voyage pour faire à bicyclette la côte normande. Se trouver le mardi 16 à quatre heures au haut de la côte de Canteleu, près de Rouen. »

Je ne sais quelle fantaisie me prit, en lisant ces lignes dans un journal. Dame jeune et jolie ! C’était tentant. En outre j’éprouvais depuis quelques semaines un grand désir de mouvement et de plein air. « Ma foi, me dis-je, si le temps est beau le mardi 16, je pars. »

Le temps fut plus que beau, une de ces matinées de juin où palpitent toute l’allégresse de la nature et toute la joie de la vie. Je partis.

Une voiture — je tenais à paraître en bonne condition — une voiture me fit monter la côte de Canteleu. À quatre heures j’arrivais au lieu du rendez-vous, assez ému, fort curieux et un peu inquiet. Jeune et jolie ? Était-ce possible ? Est-ce qu’une femme jeune et jolie a besoin de chercher, par la voie d’une annonce, un compagnon de voyage ?

Vaines inquiétudes ! Quand elle parut, au détour d’un chemin de traverse où elle devait attendre, un coup d’œil suffit à les dissiper : elle était adorablement jeune, adorablement jolie. Mais alors, pourquoi ?…

Elle vint à moi en souriant, les mains tendues, et me dit :

— Il n’y a que vous ?

— Il n’y a que moi, répondis-je en me nommant.

— Eh bien, j’aurais cru qu’une annonce aussi alléchante m’aurait attiré plus d’un cavalier… D’ailleurs, tant mieux ! Il m’eût fallu choisir…