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Page:Leblanc - Des couples, 1890.djvu/305

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le devoir

et les deux vieillards sentaient comme un parfum d’amour qui s’épanouissait, qui embaumait l’espace et les atteignait de ses émanations grisantes. Des frissons de désir les frôlaient, comme les ondulations d’un fleuve frôlent les roseaux. C’était l’amour. Ils l’aspiraient avec les odeurs troublantes qu’il éparpillait dans l’air. Ils le voyaient se pâmer sur des lèvres jointes et dans des yeux extasiés. Ils l’écoutaient chuchoter là-bas, furtif comme un battement d’ailes.

Et de tout cela il leur venait une sorte d’ivresse physique en même temps qu’un malaise moral, une douleur qu’ils ne cherchaient point à s’expliquer.

Enfin les deux jeunes gens se levèrent. Lucienne et Henri les virent passer près d’eux, lentement, les mains entrelacées, et ils entendirent :

— Jeanne, Jeanne, je t’aime.

Le couple s’éloigna, suivant une allée qui conduisait au château. Les silhouettes se détachaient sur la blancheur du ciel, et parfois elles se rapprochaient, ne formaient plus qu’une ombre indistincte et, dans cette union, semblaient heureuses.